On se souvient de Blow up, réflexion cinématographique sur les différents niveaux de la réalité. Dans le film de Michelangelo Antonioni, Thomas, photographe branché des sixties, est une star comme les mannequins qu’il photographie. La comparaison s’arrête là mais s’applique aussi à Fred Meylan. Depuis des années, l’homme apprivoise de son regard les plus belles femmes de la planète, gravant dans la pellicule ou le numérique, des moments de séduction qui font le tour du monde. Les magazines Elle, Grazia… les maisons L’Oréal, American Express, Clarins, Lacoste, Ba&sh, Lancaster, Pataugas, Dim ou Zadig & Voltaire dont il réalise bon nombre de campagnes mondiales, sont des noms qui défilent dans son portfolio. Son oeil offre un champ très singulier dans l’univers parfois aseptisé de la mode. Sans doute une question de caractère, d’itinéraire.
L’entrée en photographie
Fred Meylan, du plus loin qu’il s’en souvienne, s’est toujours rêvé photographe. Enfant, il feuilletait déjà le magazine Photo dans un kiosque du boulevard Montparnasse. Rêvant de grands reportages, de voyages, d’impressions fortes, ses parents, plutôt conventionnels, lui offrent son premier Canon Reflex pour le bac. C’est le moment clé, un cadeau fatal qui donne le tempo d’une vie. Le premier labo s’improvise alors dans la salle de bains familiale. Une année de prépa à HEC plus loin, il décide de tourner définitivement le dos à une existence géométrique trop bien dessinée. S’ouvrent en contrechamp, les sentiers lumineux d’une vie de bohème. Photographe officier au 51e régiment d’infanterie de Compiègne, le soldat Meylan rendu à la vie civile devient vendeur à la Fnac, puis serveur. Simultanément, il s’essaye aux portraits, photographie les gens dans la rue. Une période un peu floue, se révélant un bon apprentissage. Finalement, le destin est au rendez-vous, lorsque le laboratoire d’Universal Presse l’engage. Rapidement le jeune homme remplace des reporters, fréquente les plateaux de cinéma et de télévision, avant d’intégrer la fameuse agence Sygma. Les montagnes russes de l’actualité et du photojournalisme donnent le vertige, alternant faits divers, conseil des ministres, portraits de stars.
L’image du grand-angle
C’est le même qui le 3 mai 1986, capture dans son objectif la princesse Stéphanie de Monaco à l’île Maurice pour un reportage life style qui fera le tour du monde. Des images qui vont faire basculer son histoire. Il signera cinq cents couvertures en cinq ans de la princesse alors au top médiatique. En 1989, un reportage produit par Sygma l’entraîne aux quatre coins du monde pour suivre, pendant trois mois, des mannequins stars qui ne sont autres qu’Estelle Lefébure, Inès de la Fressange, Renée Simonsen, Iman… Succès planétaire. Paris Match publie cette série durant trois semaines d’affilée. Monica Bellucci, Uma Thurman et Penélope Cruz, s’éblouiront aussi sous ses flashs. La photo de mode s’impose. « Ce cliché de Stéphanie de Monaco dans les vagues m’a longtemps servi de passeport. On me prête le talent de rendre les filles belles, sans artifices, dit-il. Je préfère la complicité avec les mannequins, la lumière naturelle, le mouvement, la vérité d’un moment. Je ne suis pas un photographe branché. Mes images sont intemporelles. » La carrière de Fred Meylan ne s’est jamais ?emmurée?, sa curiosité le poussant à la réalisation de clips, de pubs télé, et à un travail sur la déformation du corps humain, exposé en 2001 et janvier 2006 à la galerie Laurent Strouk à Paris et à l’Opera Gallery de New York.
Studio photosensible
Des années quatre-vingt à 2014 ce sont près de trois décennies qui ont été « regardées » par Fred Meylan. C’est aujourd’hui la notion de plaisir qui le fait avancer. Comme sa vie est devenue plus sédentaire, il avait envie d’un espace de travail un peu à part. Cet appartement ressemble à une île hors du temps, le décalage horaire en moins. Colette est juste en face. Studio, bureau, salon, salle de réunions s’articulent dans cet ancien atelier de tapissier qu’il a trouvé et laissé dans son jus. Par choix esthétique, il a conservé l’âme du lieu avec ses murs laissés bruts, tapissés de tissu aux motifs joliment rétro, et ses parquets patinés par le temps. Féru de décoration et fidèle adepte des Puces, chaque meuble et objet ont été choisis pour s’accorder au décor d’origine. Il a même récupéré une longue table en bois brut qui servait à la découpe des étoffes et l’a faite restaurer en incrustant une plaque de métal en guise de plateau. « Ici, rien n’avait été touché depuis quarante ans. Lorsque je l’ai visité, j’ai eu un vrai flash, confie-t-il. J’ai simplement restauré les patines, puis meublé les lieux avec des éléments contemporains ou vintage pour créer un décalage. J’aime l’atmosphère hors du temps qui s’en dégage. J’ai réussi à créer l’ambiance intimiste dont j’avais envie et besoin ». Vie privée et vie professionnelle s’entrecroisent, « avec ce lieu exceptionnel, j’ai la chance inouïe de partir travailler chaque matin avec un plaisir réel et intense ». Un regard sur la vie qui a gardé toute son intensité.
En photo : la salle de réunion associe le Gris Orage des murs, Emery, à des rééditions de chaises DSW colorées de Charles Eames.
Source Article from http://www.cotemaison.fr/chaine-d/deco-design/diaporama/appartement-atypique-a-paris-un-ancien-atelier-transforme_21137.html
Source : Gros plan – Google Actualités