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Toronto, point de vue imprenable sur Haïti et Cuba – Le Monde (Blog)

Le Toronto International Film Festival n’est pas seulement la plate-forme de lancement des films américains qui aspirent à collectionner des statuettes, des films européens qui veulent prendre pied sur un marché états-unien de plus en plus fermé. On y projette aussi des films du monde entier (79 pays sont représentés). Toronto est par ailleurs l’un des villes les plus cosmopolites du monde. A chaque projection, il y a de bonne chance que des spectateurs soient originaires du pays dont vient le film.

Alex Descas dans Meurtre à Pacot, de Raoul Peck (Arte/TIFF)

Alex Descas dans Meurtre à Pacot, de Raoul Peck (Arte/TIFF)

C’était en tout cas vrai lors de la première mondiale de Meurtre à Pacot, de Raoul Peck, le 6 septembre. On comptait un certain nombre de Haïtiens dans la salle. Le cinéaste a expliqué comment, alors qu’il tournait le documentaire Assistance mortelle, constat d’échec de l’aide internationale après le séisme de 2010, il traversait chaque matin le quartier de Pacot, celui des villas de l’élite haïtienne, et se demandait ce qui s’était passé dans ces maisons dans les jours qui ont suivi le séisme.

La réponse a pris la forme d’une fiction stylisée et violente, qui, dans les jours qui suivent la catastrophe, met au prise un couple de bourgeois contraints de vivre dans le quartier des domestiques et de louer la partie de leur luxueuse villa restée debout à un travailleur humanitaire qui a lui-même invité une jeune Haïtienne à partager sa couche, avec pour stimulant, en plus de son charme incertain, une promesse de visa pour la France.

Quelques jours plus tard, en compagnie de son interprète Alex Descas (qui fut le Mobutu du Lumumba de Raoul Peck) le cinéaste revient sur son film. « Avec Assistance mortelle, j’étais en immersion dans la réalité haïtienne, il fallait absolument en sortir pour arriver à un regard plus abstrait ». D’où des dialogues laconiques, dont chaque mot est comme un présage chargé d’interprétations mutliples (Raoul Peck a écrit le avec l’écrivain haïtien Lyonel Trouillot et le cinéaste français Pascal Bonitzer) et une mise en scène en huis clos. Alex Descas, qui reste à la ville comme à l’écran – laconique – explique qu’il a construit son personnage de bourgeois réduit en quelques secondes à la misère « en allant quelque chose de plus dépouillé. De toute façon je veux toujours essayer d’enlever des choses », ajoute-t-il, sans doute à l’intention de ceux qui ne l’ont jamais vu, chez Claire Denis, Olivier Assayas ou Patrice Chéreau.

La villa en ruines de Meurtre à Pacot, de Raoul Peck (Arte/TIFF)

La villa en ruines de Meurtre à Pacot, de Raoul Peck (Arte/TIFF)

Le tournage de Meurtre à Pacot a ressemblé au film: un huis clos coupé de la frénésie de Port-au-Prince. « Il est extrêmement d’obtenir la maîtrise du lieu dans une grande cité, explique Raoul Peck. J’ai trouvé la maison idéale pour maîtriser cette production. Dans la réalité, le quartier a été reconstruit rapidement. Cette maison était restée en ruine parce que la propriétaire était traumatisée ».

Meurtre à Pacot a beau être un film de cinéma, il ne devrait pas sortir en salles en France où il sera diffusé par Arte.

Armando Valdes Freire dans Conducta, d'Ernesto Daranas (TIFF)

Armando Valdes Freire dans Conducta, d’Ernesto Daranas (TIFF)

Conducta (conduite, comme dans « zéro de ») est bien sorti en salles, dans son pays, Cuba en février de cette année. Le film d’Ernesto Daranas a même été un immense succès. Ce n’est sans doute pas un chef d’œuvre que l’histoire de Chala, gamin qu’une institutrice tente de ramener sur le droit chemin. On retrouve dans cette fiction réalisée avec une grande maîtrise technique les figures classiques de ces récits d’enfance sur le fil. Elle se distingue des autres par son propos politique.

Très délibérément, le scénario égrène les maux d’une société inégalitaire où la délinquance, la prostitution, la corruption sont les mécanismes de compensation d’un ordre injuste. Le père de l’un des camarades du petit héros est en prison pour ses opinions politiques, un autre personnage doit graisser la patte aux policiers pour continuer à résider à La Havane et l’héroïne, la vieille institutrice Marta est en butte aux tracasseries de jeunes bureaucrates. La Havane n’est plus cette cité pittoresque et désuète qui sert de décor à des musiciens talentueux mais une ville qui est passée de la décrépitude à la ruine, sans tremblement de terre

Produit par les organismes étatiques cubains, Conducta a passé la censure. Peut-être parce qu’aucun de ses personnages n’est vraiment nuisible. La bureaucrate ambitieuse et le chômeur qui élève des chiens de combat sont de braves gens, explique le scénario, peut-être pour montrer que la construction de l’homme socialiste n’a pas été une vaine entreprise. Hélas, le réalisateur n’a pas fait le voyage de Toronto pour tirer au clair ces interrogations et je ne peux que renvoyer à cet article du Nuevo Herald de Miami pour donner quelques informations sur les conditions de la sortie de Conducta au pays des frères Castro.

Pour donner une idée de ce film ahurissant pour un non initié, voici cet échange:

– Peut-être es-tu institutrice depuis trop longtemps.

-Je suis institutrice depuis moins longtemps que ne sont au pouvoir ceux qui nous gouvernent.

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Source Article from http://sotinel.blog.lemonde.fr/2014/09/08/toronto-point-de-vue-imprenable-sur-haiti-et-cuba/
Source : Gros plan – Google Actualités

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