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Sur l’île de Kihnu, une des dernières sociétés matriarcales d’Europe – Le Monde

En revenant du jardin, Mare fait un détour par la remise en bois derrière la ferme. C’est là que dort son trésor. Solennelle, elle soulève un coffre dans lequel sont entreposées, bien pliées, des dizaines de jupes en laine qui rivalisent de couleurs. « Je les choisis en fonction de mes humeurs : les plus sombres, avec des rayures noires ou bleues, pour les jours tristes, les plus vives, pour les jours joyeux. » Dans sa chambre, se cache un second coffre : celui des tabliers, parures aux motifs subtils que seules les femmes mariées sont autorisées à porter par-dessus la jupe. Avec une infinie délicatesse, ses mains calleuses déplient les plus précieux, ceux qu’elle conserve pour le mariage de ses trois filles. « C’est le rêve de toutes les femmes ici, de pouvoir offrir un mariage traditionnel à leurs filles. J’attends ce jour depuis leur naissance », murmure-t-elle.

Le mariage traditionnel, pilier de la culture

Unique en son genre, cette procession de trois jours se prépare des mois à l’avance, selon des rites codifiés. Celui de la cour d’abord, cérémonial durant lequel le prétendant peut demander la main de sa promise après l’avoir débusquée parmi un groupe de jeunes femmes cachées sous des châles en laine. Si à la fin de cette veillée le jeune homme reçoit une ceinture rouge tissée, c’est que sa demande a été acceptée.

Commence alors la longue composition de la dot. Car pour le jour de ses noces, la mariée doit avoir rempli un coffre en bois de cadeaux qu’elle offrira aux proches de son époux. Alors, chaque jeudi soir, jusqu’au grand jour, les femmes du village se réunissent autour de la promise pour l’aider à finir de tricoter et de broder ses cent chaussettes, bas, gants et ceintures. Assises en cercle, les anciennes racontent leurs noces, tandis que les jeunes filles écoutent, fébriles. On palabre et on chante des mélopées jusqu’à la nuit tombée. Des veillées durant lesquelles se resserrent les générations et se tisse la transmission.

Arrive enfin la célébration des noces. Trois jours de serments, syncrétisme de rites orthodoxes et païens, au cours desquels la mariée doit, sous l’œil attentif de la communauté, partir de sa ferme, être accueillie dans celle de son époux, distribuer ses cadeaux et être baptisée, avant que les agapes se prolongent jusqu’au petit matin.

En 2003, l’Unesco a classé les pratiques culturelles de Kihnu, dont le mariage, au patrimoine immatériel de l’humanité. Un label attractif dont Mare Mätas a profité pour créer sa fondation œuvrant à sauvegarder l’héritage culturel de Kihnu.

Ce mariage et ces tabliers, Ella Leas a passé des journées entières à en rêver. A 77 ans aujourd’hui, recluse dans sa petite cuisine sombre à l’odeur camphrée et aux napperons de dentelle, la vieille dame chenue se souvient du trousseau qu’elle avait commencé à coudre, à 9 ans à peine. Ella se lève pour montrer un lot de pelotes de laine sur lequel elle a épinglé l’étiquette « Suka penad kudula » (« Tu dois finir de coudre »). Il est déjà prêt au cas où l’un de ses fils viendrait à tomber amoureux. Une chance, elle en a déjà marié un.

Source Article from http://www.lemonde.fr/tiny/4494934/
Source : Gros plan – Google Actualités

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