« Je n’ai presque rien gagné dans ma carrière »
En parallèle de sa carrière sportive, il débute sa vie professionnelle en tant que comptable à la Banque de France. Un métier qui lui permet d’assurer ses arrières car, malgré son statut de champion favori des Français et ses victoires à répétition, le ski nautique n’est pas très rémunérateur. Pour son premier titre de champion d’Europe, en 1978, il ne reçoit qu’un chèque de 150 francs (environ 79 euros à l’époque) de la part de sa fédération. « On veut que les jeunes gagnent de l’argent avec le sport. Mais il n’y a qu’un Messi. Je n’ai presque rien gagné en des années et des années de carrière. Une fois le peu d’argent réinvesti dans les frais incompressibles liés à mon sport, j’ai pu à l’époque payer la moitié de ma maison, soit une somme de 50 000 euros », détaille-t-il.
Plus encore que sa précocité, Patrice Martin met en avant une autre qualité pour expliquer sa popularité intacte. « Adulte, on a moins parlé de moi. J’étais devenu comme tout le monde. Mais je continuais à gagner. Le public s’est alors dit que ce n’était pas uniquement à cause de mon jeune âge, peut-être aussi parce que j’avais un truc extraordinaire. » Pour sa démonstration, le skieur ne se prive pas d’égratigner une ex-gloire sportive, le dernier vainqueur tricolore de Roland-Garros. « On aimait Yannick Noah mais il n’a jamais été numéro un mondial. Il est très bien comme chanteur, je l’aime bien, ce n’est pas méchant, mais on ne peut pas dire qu’il ait été au bout de lui-même malgré son talent », assène Patrice Martin.
A son immense palmarès, le Petit Prince ne regrette pas une seconde l’absence d’un titre olympique. Et pour cause, le ski nautique n’a jamais été une discipline présente au programme officiel des Jeux. « On ne peut pas regretter ce qu’on ne peut pas avoir », affirme-t-il. Patrice Martin est un homme trop occupé pour s’attarder sur le passé. Modèle de reconversion pour les sportifs de haut niveau, il a parfaitement anticipé ce qui plonge dans une profonde dépression une grande partie des anciens champions.
Actif pendant ses années de sportif, il a enchaîné directement par un poste de responsable des grands événements et des sportifs de haut niveau au conseil régional des Pays de la Loire (2003-2006), sous présidence de droite. En 2004, il est candidat malheureux aux cantonales sur une liste UMP. Sympathisant de l’ancien parti de Nicolas Sarkozy, il est conseiller municipal, en 2008, du maire (UMP) de Ploërmel (Morbihan), le berceau de sa famille paternelle. Il démissionne un an plus tard lorsqu’il prend les rênes de la présidence de la FFSNW. Une arrivée loin d’être évidente.
Doté d’un fort caractère et d’une vision assez tranchée du sport de haut niveau, déterminé, Patrice Martin reconnaît sans difficulté qu’il critiquait beaucoup sa propre fédération durant sa carrière. Alors qu’il a soutenu son prédécesseur, Michel Botton, en place de 2007 à 2009, il se sent tout de même obligé de s’investir lorsque la gestion de ce dernier est décriée. « A mon arrivée, en 2009, nous avions 400 000 euros de dettes. Pour un budget de 1,4 million d’euros, cela commence à faire beaucoup. J’ai aussi dû gérer les prud’hommes, mon prédécesseur avait licencié toute la fédération. Si j’avais voulu être tranquille, je n’aurais pas accepté cette responsabilité », raconte celui qui a également été élu dans la foulée au Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
Sans se soucier de sa cote de popularité, il prend des décisions radicales et affirme aujourd’hui que sa fédération a déjà comblé de moitié son déficit. « Je déteste le clientélisme. La seule chose qui m’importe, c’est : “est-ce que ton action fait du bien au ski nautique ?” », tranche-t-il. Le cheval de bataille du président d’une fédération qui compte près de 18 000 licenciés n’est autre que le téléski. Alors qu’il n’y avait que quinze installations de ce genre il y a encore dix ans, elles sont désormais 63 réparties sur le territoire. « Grâce au téléski, on peut organiser des initiations à destination du public scolaire. Cela coûte entre 12 et 15 euros de l’heure. C’est moins cher qu’un cours de tennis. C’est une porte d’entrée pour nous car plus la base est large, plus la pyramide est haute… », explique-t-il.
Rien ne semble pouvoir l’arrêter. En 2008, lors d’une épreuve du Senior Tour (une compétition réservée aux vétérans) en Italie, il est victime d’une terrible chute. Un temps, on lui promet l’amputation d’un bras. Après de multiples opérations, il échappe au pire. « Le chirurgien a parlé de miracle. Et m’a dit que ma musculature avait protégé pas mal de choses. » Pour autant, Patrice Martin n’est pas du genre à s’apitoyer : « Il est dommage de décerner des titres à des gens qui ont passé l’âge d’être champion. Certains oublient de dire qu’ils sont champions des vieux. Non, être champion, c’est être le meilleur. » Et quand il évoque le « meilleur », Patrice Martin sait de quoi il parle.
Source Article from http://www.lemonde.fr/sport/visuel/2015/09/12/on-a-retrouve-patrice-martin_4753201_3242.html
Source : Gros plan – Google Actualités
