La France, terre promise des migrants du monde entier ? A en croire plusieurs responsables politiques, ce n’est pas seulement l’Europe qui va faire face à un «tsunami migratoire» (Sarkozy), voire à une «invasion» digne de celle du IVe siècle (Le Pen). L’Hexagone sera bien en première ligne, et inévitablement débordé. La faute, selon le patron de LR (Les Républicains), à des «allocations sociales» supérieures à celles des autres pays de l’Union européenne. Ces réfugiés, a résumé Sarkozy au Figaro, finiront «inéluctablement chez nous». Que peut-on retenir de ces sorties angoissées ? Pas grand-chose, à part qu’elles relèvent du fantasme pur et simple.
Les chiffres, d’abord. L’an passé, la France était un des rares pays à voir le nombre de demandes d’asile diminuer, nombre qui reste faible de toute façon : une demande pour 1 053 habitants, contre une pour 398 en Allemagne ou une pour 116 en Suède. Même tendance en 2015, et le choix des autorités d’accueillir 30 000 réfugiés supplémentaires d’ici à 2017 ne changera pas la donne. Les exilés syriens, afghans ou érythréens qui continuent à traverser la Méditerranée au péril de leur vie rêvent bien plus de découvrir les pays du Nord de l’Europe que les arcanes du système social français. Il y a quelques semaines, nos agents de l’Office de protection des réfugiés (Ofpra) dépêchés à Munich pour soulager l’Allemagne de 1 000 demandeurs d’asile ne sont parvenus à en convaincre que 600 de passer le Rhin. «On n’est pas les plus concernés par ce phénomène, reconnaissait François Hollande en petit comité à Tanger. La France n’est pas soumise à la même pression que l’Allemagne.» Même tonalité chez Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, qui martelait devant l’Assemblée en décembre 2014 : «Cessons de nous fantasmer en forteresse assiégée ; cela ne correspond tout simplement pas à la réalité.»
L’attractivité toute relative de la France s’explique par plusieurs facteurs. En premier lieu, une durée d’instruction (dix-neuf mois) plus longue qu’en Allemagne et en Suède, les deux Etats qui recevaient le plus de demandes d’asile l’an passé. Là-bas, le requérant a respectivement 41,7 % et 76,8 % de chances d’obtenir le statut de réfugié en première instance, contre 21,6 % en France. La récente réforme de l’asile pourrait contribuer à fluidifier le système, mais ses effets ne se feront pas sentir dans l’immédiat. Quant aux prestations sociales offertes aux demandeurs et aux réfugiés, elles sont comparables d’un pays à l’autre, avec un bémol concernant le Royaume-Uni et la France. La possibilité de travailler légalement y est limitée, ce qui en diminue l’attrait. On peut par ailleurs parier que si les Britanniques n’avaient pas délocalisé leur frontière dans le Calaisis, les demandeurs d’asile outre-Manche seraient bien plus nombreux.
Enfin, il ne faut pas négliger l’impact de la situation économique dans les pays d’accueil. Les migrants qui rejoignent l’Europe sont souvent jeunes et qualifiés. Les minima sociaux – qu’ils ne connaissent d’ailleurs probablement pas – ne sont pas leur objectif. Ils veulent travailler. La France, avec son taux de chômage supérieur à 10 %, ne fait guère envie.
Nathalie Versieux
,
Anne-Françoise Hivert
,
Sylvain Mouillard
,
Sonia Delesalle-Stolper
,
BIG Infographie
Source Article from http://www.liberation.fr/politiques/2015/09/27/le-modele-francais-rebute-les-refugies_1391938
Source : Gros plan – Google Actualités