« Il y aura des baisses d’impôts, quoi qu’il arrive, en 2016. » François Hollande a surpris son monde, jeudi, en annonçant une réduction des prélèvements obligatoires l’année prochaine pour les ménages.
Le président a pris de court jusqu’à son gouvernement. Dans une interview accordée à des quotidiens régionaux publiée un peu plus tôt, lui-même s’était montré beaucoup plus prudent en conditionnant un tel geste à l’évolution de l’activité l’année prochaine : « Si la croissance s’amplifie en 2016, nous poursuivrons ce mouvement [de baisse de la fiscalité, NDLR], car les Français doivent être les premiers bénéficiaires des résultats obtenus. »
Une équation difficile
Et pour cause, la situation budgétaire ne lui laisse pas beaucoup de marge de manœuvre. Après avoir obtenu un délai de deux ans pour réduire le déficit en dessous de la barre fatidique des 3 %, la France s’est engagée auprès de ses partenaires européens à le ramener à 3,8 % fin 2015, puis à 3,3 % fin 2016.
Une trajectoire budgétaire détaillée dans un programme de stabilité en avril qui ne prévoyait pas de nouvelles baisses d’impôts pour les ménages après la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu en faveur de 9 millions de foyers fiscaux en 2015. La priorité était à la mise en place du pacte de responsabilité, qui prévoit au moins 7,5 milliards d’euros de baisse de prélèvements en faveur des entreprises, et à la réduction du déficit.
Un pari sur la croissance
L’annonce du chef de l’État est d’autant plus surprenante qu’elle tombe juste après celle d’une croissance nulle au deuxième trimestre, un mauvais résultat qui tempère l’espoir de terminer l’année avec une croissance bien supérieure aux attentes du gouvernement.
Prudent, Bercy a construit son budget sur une prévision de croissance de 1 % en 2015, puis de 1,5 % en 2016. François Hollande espère donc que, malgré le trou d’air du deuxième trimestre, le chiffre peut encore être dépassé dès cette année, ce qui laisserait des marges de manœuvre pour un geste fiscal, sans remettre en cause la réduction du déficit promise à Bruxelles. Le pari est risqué, mais pas perdu d’avance : avant l’annonce du mauvais chiffre d’activité d’avril à juin, les économistes tablaient en majorité sur une croissance de 1,2 % en 2015.
Se concilier la majorité
Comme d’habitude, François Hollande pratique un art consommé de la synthèse. Pris en étau entre une large partie de sa majorité, qui réclame une réorientation des baisses de prélèvements de son pacte de responsabilité vers les ménages pour stimuler la consommation, et Bruxelles, qui veille au grain sur le déficit, le président joue les équilibristes. Sa promesse de baisses d’impôts pour les ménages devrait lui permettre de mieux faire passer sa politique de baisses de prélèvements en faveur des entreprises.
Mais le chef de l’État ne fait pas qu’envoyer un signe à sa majorité. Il pense d’abord à lui-même. Il sait très bien qu’il ne pourra se représenter en 2017 que si la croissance repart suffisamment pour faire baisser le chômage. La panne du premier trimestre montre que la reprise est encore en dents de scie. En annonçant des baisses d’impôts, il espère contribuer à la revigorer. Le geste fiscal présidentiel serait alors autofinancé par le regain d’activité et les recettes fiscales qu’il générerait pour l’État.
La vieille promesse de baisser les impôts de 5 milliards d’euros
Quelle sera son ampleur ? Cela « dépendra de la croissance en 2016 », a reconnu François Hollande. En 2014, le gouvernement avait promis 5 milliards de baisses d’impôts dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Mais seulement 3,2 milliards ont été effectivement utilisés pour supprimer la première tranche de l’impôt sur le revenu cette année. Théoriquement, il devrait donc rester 1,8 milliard pour continuer à baisser les impôts puisque la fusion de la prime pour l’emploi et du RSA est censée se faire à budget constant. Sauf que cette promesse avait jusque-là été prudemment enterrée…
Quand la baisse promise par François Hollande sera-t-elle votée ? Alors que Bercy plaidait prudemment pour attendre le printemps afin d’en savoir plus sur le niveau de croissance l’année prochaine, Manuel Valls a confirmé vendredi après-midi qu’elle serait inscrite dans le projet de loi de finances de 2016 présenté fin septembre. L’intérêt est d’incarner rapidement la promesse présidentielle, ce qui renforcera son effet psychologique. Cela devrait aussi calmer les frondeurs de la majorité et faciliter l’adoption du budget.
CSG ou impôt sur le revenu ?
L’Élysée semble vouloir cibler les « classes moyennes », ce qui pourrait signifier une nouvelle baisse ciblée de l’impôt sur le revenu après celle de 2015. Mais le PS réclame une baisse de la CSG sur les plus modestes. Celle-ci deviendrait alors progressive, comme l’impôt sur le revenu.
Une chose est sûre : Bruxelles devrait tiquer. « Les autorités françaises […] devraient affecter à la réduction du déficit les gains exceptionnels, notamment ceux découlant d’une évolution plus favorable que prévu des recettes fiscales ou des taux d’intérêt », a demandé la Commission européenne en juin dans son évaluation des efforts budgétaires de la France. C’est mal parti.
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Source : Gros plan – Google Actualités
