Le roi Amazon fait ce qu’il veut de sa cour. Depuis cinq ans, dans la plus grande discrétion, la multinationale convie quelques écrivains à un week-end festif et luxueux qui n’a de rustique que le nom : « Campfire » (feu de camp). Mais cette année, le géant américain de la distribution de livres en ligne a refusé d’envoyer ses cartons d’invitation à plusieurs d’entre eux. « Je n’ai pas été invité, mais si je l’avais été, je n’y serais pas allé », assure au New York Times l’écrivain James Patterson, l’auteur de la série de romans Alex Cross. Cette soudaine punition fait suite au conflit qui oppose depuis le début de l’année Amazon à des centaines d’auteurs et à l’éditeur français Hachette, quatrième plus gros vendeur de livres aux Etats-Unis.
Organisée samedi 20 et dimanche 21 septembre, la cinquième édition du « Campfire » s’est donc déroulée sans lui, dans un hôtel de luxe de Santa Fe, dans l’Etat américain du Nouveau-Mexique. L’artiste avait certes participé aux précédentes éditions, mais voilà, il fait désormais partie des écrivains opposés à Amazon, qui désire instaurer un tarif unique pour les livres numériques afin de faciliter sa mainmise sur le marché. En mai, Patterson s’était fendu d’une lettre ouverte pour protester contre ce projet. La semaine passée, ce mouvement de contestation a pris de l’ampleur : le collectif « Authors United » (« Auteurs unis ») rassemble désormais 1 100 membres.
En représailles, combien de frondeurs ont-ils été snobés comme lui ce week-end ? Dur à estimer. De ce raout annuel, on ne sait que peu de choses. Entre Jeff Bezos, le patron d’Amazon, et les participants, le contrat est clair : tous les « happy few » s’engagent à garder le silence absolu sur le « Campfire ». Et quand certains enfreignent cette règle de confidentialité, ils ne le font que sous le couvert de l’anonymat, même quand il s’agit d’être dithyrambique: « Vous êtes traité fabuleusement », témoigne ainsi l’un de ces privilégiés. La liste est longue des divertissements qui s’offrent aux convives : « dîners impressionnants avec musique en direct », « équitation », « ball-trap », « farniente au bord de la piscine », énumère le New York Times.
« Vous avez accès au prochain Steve Jobs », poursuit ce même témoin, flatté de pouvoir ainsi approcher, entre deux baignades, le crâne glabre de Jeff Bezos, « l’homme qui contrôle le nombre de livres que l’on vend ». Face au poids effrayant d’Amazon, qui pèse pour plus de la moitié des ventes de livres aux Etats-Unis, la prudence est donc de mise chez les écrivains. Pour continuer à profiter de ces week-ends mondains – et à vendre des livres – mieux vaut faire profil bas.
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Source Article from http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/09/22/motus-amazon-snobe-les-ecrivains-frondeurs/
Source : Gros plan – Google Actualités