Huit ans passés au Stade Rennais ont fait de Serge Le Dizet un observateur averti du club breton. Désormais entraîneur-adjoint du Sco d’Angers, le natif de Douarnenez évoque à FF son sentiment sur «le club de [m]on enfance».
«Vous connaissez bien le Stade Rennais, ça vous fait toujours un pincement au cœur de retrouver les Rouge et Noir pour vous?Que je connais bien oui et non (rires)… Ça fait quand même longtemps que j’ai quitté le club (NDLR : en 1992). Mais j’ai toujours suivi ce club au même titre que Nantes. Le Stade Rennais a bien changé et évolué. Il y a deux ans déjà, on avait joué avec Angers contre eux en demi-finale de Coupe de France à la Route de Lorient. Ça faisait drôle de retourner là-bas. L’enceinte est vraiment très belle. C’est un vrai stade de foot. Rennes, c’est le club de mon enfance, je suis Breton, Finistérien, ça restera toujours le club où j’ai été formé.
Un club compliqué et qui vit un peu sur son passé, au vu du manque de trophées. Vous le sentiez déjà à l’époque ? Quand j’y étais, c’était un club qui avait vraiment besoin de se structurer. En 1982, lors de mes trois années de formation là-bas, ce dont on parlait à l’époque, ce qui revenait très très souvent dans les conversations et dans la bouche des supporters et dirigeants, c’était les deux coupes de France remportées en 1965 et 1971. En 1982 déjà ! C’est la grande fierté du club et effectivement, je me doute bien qu’aujourd’hui, quelques décennies plus tard, ça doit être encore un petit traumatisme. Pour avoir un petit participé à leur place en finale il y a deux ans, en rigolant je me suis dit : «Il aurait mieux valu qu’ils nous laissent la place en finale contre Guingamp». Ça aurait évité, non seulement de perdre la finale, mais surtout contre l’EAG. Ç’a été vécu comme une véritable honte pour les Rennais. C’était très très dur surtout deux fois (NDLR : Guingamp avait déjà battu Rennes en finale en 2009). Les saisons passent et le palmarès reste le même. C’est quelque chose qui est dur à vivre pour les supporters au quotidien.
On reproche souvent au Stade Rennais son manque d’ambition dans le jeu. Ça s’est encore vu contre Paris dernièrement…(Il souffle) C’est toujours difficile contre Paris. Contre ce genre d’équipe, on se dit qu’on va essayer de leur poser des problèmes, mais on peut très vite être puni. Ce jour-là, tout le monde a dit que le PSG était prenable car il y avait des titulaires en puissance absents et la perspective du match contre le Real. En cours de match, peut-être qu’avec plus d’ambitions offensives, Rennes y serait arrivé, mais encore une fois, c’est difficile. Je pense qu’on ne peut pas juger une équipe sur ces matches contre le PSG. Ce sont des rencontres tellement particulières pour tout un club, sur et en dehors du terrain.
«On n’a pas laissé le temps à Christian Gourcuff à Rennes»
Vous comprenez les critiques sur Philippe Montanier ? Sa situation n’est pas des plus confortables à Rennes…C’est compliqué de parler des autre coaches. Un entraîneur dans son club a tous les paramètres en mains, nous n’avons pas tout en tête, donc je ne permettrais pas de juger Philippe. Je sais juste qu’il y a beaucoup d’attente autour du Stade Rennais. Il s’agit d’un club ambitieux, qui a des moyens que n’ont pas forcément d’autres équipes, et notamment les équipes bretonnes tout autour. Quand on a des moyens financiers, obligatoirement derrière, il y a les contreparties. Il y a de l’impatience forcément et quand il y a de l’impatience, ça peut engendrer de la fébrilité autour et à l’intérieur du club.
C’est tout de même décevant et surprenant de voir un tel effectif un peu gâché. Surtout quand on connait les préceptes de Montanier auparavant.Oui, c’est surprenant. Jusque-là, il arrivait avec une réputation. Il prônait le jeu offensif. Après, je n’ai pas vu tous les matches du Stade Rennais, mais on écoute, on entend tout ce qui se dit autour. Tout ce que je sais, c’est que c’est un adversaire non pas au pied du mur, mais qui a un besoin urgent de prendre confiance et ça passe par une prise de points. Je pense que le problème du Stade Rennais depuis des années est plus global. Il y a un problème d’identité certainement. C’est un club qui change souvent, je vous parle depuis 15-20 ans, de président, d’entraîneur, de politique mais qui manifestement ne s’y retrouve pas. Il y a quand même eu des garçons comme Paul Le Guen, Christian Gourcuff qui sont des gens de l’Ouest avec de fortes personnalités. Même eux n’ont pas réussi à imposer quelque chose, c’est difficile de s’imposer à Rennes.
Pourquoi plus qu’ailleurs ?Je pense qu’il y a beaucoup d’impatience. On ne laisse pas le temps au temps, mais c’est un petit peu vrai partout. Pour avoir connu Nantes à plusieurs époques, la force du FCN c’est d’avoir laissé du temps aux coaches et d’imposer quelque chose de fort à travers la formation, des principes et des identités de jeu bien établis. A Rennes, il y a des gens qui sont venus avec beaucoup d’ambition, le plus emblématique par exemple, Christian Gourcuff, on ne lui a pas laissé le temps…
«Le Stade Rennais est prisonnier de ses ambitions»
Les supporters semblent parfois un peu perdus aussi…Le public ne se retrouve pas dans la composition d’un effectif, d’un groupe. Rennes, c’est la capitale de la Bretagne. Une équipe au départ qui devrait être composée de ses joueurs formés au club et de quelques Bretons. Il y a des joueurs formés à Rennes, mais ils s’expriment ailleurs. Je comprends que ça peut agacer les gens.
Les Bretons sont un peu mis de côté cette année à Rennes comme Romain Danzé par exemple (NDLR : Trois matches dont une titularisation en treize journées de Ligue 1)Il est de chez moi Romain, de Douarnenez, je le connais bien (rires). On peut aussi avoir des choix différents, ça peut se justifier. Mais on se rend compte que les résultats et le jeu ne suivent pas forcément… Un club comme Rennes est prisonnier de ses ambitions. Il y a un décalage entre les ambitions de résultats et dans le jeu…
Pourtant, on a l’impression qu’il suffit d’une étincelle pour que tout parte. Il manque quoi ?Pas grand-chose à mon avis. Par exemple, je pense que si Rennes avait gagné au moins une Coupe de France, ça aurait permis de nourrir l’impatience. Le problème actuel c’est que Rennes se repose à côté de clubs comme Nantes, Guingamp et Lorient et ça, ça agace les Rennais. Lorient a gagné la sympathie des gens avec une identité de jeu prônée par Gourcuff et aujourd’hui Sylvain Ripoll, qui est un ancien Rennais d’ailleurs avec qui j’ai joué. A côté, Nantes a un palmarès plus éloquent que celui de Rennes. Même si Nantes n’est plus le club d’il y a quelques décennies, ça reste un club qui inspire le respect. Parce qu’il y avait une identité de jeu à l’époque et des succès. Guingamp est coaché par un ancien du Stade Rennais, Joss (NDLR : Jocelyn Gourvennec) et puis aujourd’hui, il y a même le petit club d’Angers dans le grand-ouest qui arrive presque à faire plus parler de lui que Rennes. Donc, effectivement, ça nourrit une anxiété.
«Yoann Gourcuff pourrait rapidement devenir le porte-drapeau du foot breton»
A votre avis, l’arrivée de Yoann Gourcuff peut changer la donne et offrir de nouvelles perspectives ?Son arrivée est une super chose pour Rennes et toute la Bretagne et même le foot français dans sa globalité. Y croire aujourd’hui ? Je ne connais pas son état de santé, j’entends des choses à droite à gauche. Il est bien évident qu’il pourrait devenir rapidement le porte-drapeau du foot breton.
Justement, vous verriez Yoann Gourcuff porteur d’un projet précis ?Bah oui bien sûr ! Rennes, c’est un club qui a toujours aimé le beau jeu. Quand je suis arrivé en 1982, c’était un club instable. On montait en Ligue 1, on changeait de président, on achetait plein de joueurs, des anciens en fin de carrière. Puis on redescendait et on repartait avec des joueurs issus de la formation locale. C’est pour ça que je suis parti à 28 ans. J’en avais assez de faire le yoyo et de voir qu’il n’y avait rien qui se décidait dans la politique sportive. Aujourd’hui, certes le club est stabilisé dans l’élite, mais il reste toujours ce manque d’identité qui fait que les gens ne s’y retrouvent pas à l’intérieur et à l’extérieur du club.
Pour en revenir à Gourcuff, c’est un joueur autour duquel pourraient se greffer plein de choses. Il a tellement de qualités… Il sait faire jouer les autres et ses coéquipiers pourraient se bonifier autour de lui. Avec des joueurs comme ça tout peut arriver… Moi je suis bien placé pour le savoir. Quand je suis arrivé à Nantes, j’étais un bon joueur et je suis devenu très bon grâce à tous ces grands joueurs et des entraînements de qualité. Un garçon comme Gourcuff, en pleine possession de ses moyens, pourrait vite apporter sur un plan individuel et collectif. On parlait de Danzé tout à l’heure. Eh bien par exemple, je suis sûr que Gourcuff permettrait à Romain de franchir un palier».
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Source : Gros plan – Google Actualités