Ménager les uns et les autres, ne pas prendre parti, et se placer en toutes circonstances, au juste milieu. Le déplacement en Nouvelle-Calédonie semblait taillé sur mesure pour François Hollande, l’homme de la synthèse envers et contre tout. Lundi 17 novembre, le président de la République a défendu pendant son déplacement d’une journée sur le « Caillou » la position de « neutralité active » de l’Etat, selon les mots d’un conseiller, dans le processus de décolonisation en cours dans le cadre de l’accord de Nouméa qui doit mener au plus tard en 2018 sur un référendum d’autodétermination.
Tout au long de la journée, le chef de l’Etat a donc jonglé entre les différentes sensibilités, donnant des gages aux partisans de la Nouvelle-Calédonie française, en se rendant sur la tombe de Jacques Lafleur, député loyaliste décédé en 2010, puis aux indépendantistes en faisant de même sur celle de Jean-Marie Tjibaou, le leader kanak assassiné en 1989. Lors de ces visites émotionnellement fortes, en compagnie de la fille du premier et de la veuve du second, qui auront passé la journée dans les bras l’une de l’autre, François Hollande a tenté d’incarner un Etat garant du compromis trouvé par les accords de Matignon (1988) puis de Nouméa (1998). « Si le président de la République prenait partie pour ou contre l’indépendance, on ne pourrait plus faire cet accompagnement car on serait suspect », justifie un conseiller.
Une position qui ne satisfait pas tout le monde. « Comment le chef de l’Etat peut ne pas avoir d’avis sur une question aussi importante ? », s’étrangle le sénateur de droite (R-UMP) de Nouvelle-Calédonie, Pierre Frogier. 5 000 personnes se sont pressées dans les rues de Nouméa à la mi-journée, répondant à l’appel à manifester d’une partie de la droite, avec pour mot d’ordre : « Restons français ».
A la même heure, François Hollande était dans le nord de l’île pour inaugurer une usine de nickel. Une étape importante de son déplacement : cet équipement représente le principal investissement, d’environ 5,5 milliards d’euros, dans l’industrie sur le territoire français depuis plusieurs années, alors que la Nouvelle-Calédonie dispose de 20 % des ressources mondiales de nickel. Il symbolise également la volonté de « rééquilibrage » économique entre le nord de l’île (à majorité kanake) et le sud (à majorité européenne), qui fonde les accords de Nouméa. Une « usine politique », selon M. Hollande, qui a appelé les Calédoniens à construire leur « stratégie nickel » ensemble, alors que les avis s’opposent sur la voie industrielle à emprunter.
Bouche bée
L’Etat espère que cette discussion dans le domaine économique forcera les différents acteurs à se mettre autour de la table. « Ici, ce qui se construit, à travers cette usine, c’est l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Cela vous permet d’être plein d’espoir pour l’avenir que vous aurez choisi », a déclaré le chef de l’Etat. La question du « choix » fut d’ailleurs le leitmotiv de cette visite très dense, avec deux traversées de l’île agrémentées d’un survol en hélicoptère du récif corallien, qui laissa François Hollande bouche bée.
Devant les élus de l’île réunis au centre culturel Tjibaou, qui promeut la culture kanake, le chef de l’Etat a insisté sur la nécessité pour les Calédoniens de prendre en main leur destin. « Vous trouverez la solution vous-mêmes, elle est au bout de ce processus. Personne ne la connaît, c’est vous qui allez la formuler. La France restera à vos côtés autant que la Nouvelle-Calédonie le voudra. »
Dans ce discours grave, où il a rappelé les « événements » violents des années 1980 et la paix fragile sur le « Caillou », il a tenu à apporter toutes les garanties sur l’accompagnement de la République et le transfert des compétences qui doit se poursuivre. Mais le rôle de l’Etat sera surtout de garantir la tenue du référendum en 2018, si les élus de Nouvelle-Calédonie ne trouvent pas un compromis avant pour l’organiser. Le président a insisté sur la constitutionnalité de l’accord de Nouméa et a semblé écarter tout prolongement du statu quo, comme le souhaite une partie de la droite calédonienne. François Hollande à qui l’on reproche souvent de ne pas savoir trancher, semble bien décidé à obliger les autres à le faire.
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Source : Gros plan – Google Actualités